-
Ski: nouveau podium pour Lindsey Vonn, 3e de la descente de Val d'Isère
-
Galeries Lafayette vend les murs du BHV à un investisseur anglo-saxon
-
Top 14: Toulouse en colère, Pau en danger, le Stade français à l'affût
-
Ski: "affamée", Lindsey Vonn fond sur Val d'Isère
-
En Norvège, le plus grand gisement de terres rares d'Europe suspendu au sort de coléoptères
-
Les principaux disparus dans le monde en 2025
-
Trophée Jules-Verne: record à l'équateur pulvérisé pour Coville et les siens
-
Les principaux disparus en France en 2025
-
Honduras: ultime recomptage pour enfin l'épilogue d'une présidentielle à suspense
-
Colère agricole: des barrages persistent dans le Sud-Ouest, au premier jour des vacances
-
Affaire Christophe Ruggia-Adèle Haenel: le procès en appel se poursuivra le 23 janvier
-
Attentat de Sydney: avant un recueillement national, l'hommage des sauveteurs
-
"C'est devenu banal": aux Antilles, les armes à feu s'installent au quotidien
-
Le gouvernement Trump publie une partie de l'explosif dossier Epstein, aux photos et textes caviardés
-
Cyclisme: Madiot "lâche le guidon" à la Groupama-FDJ, la fin d'une époque
-
NBA: Wembanyama déplume les Hawks, Edwards croque le Thunder
-
Boxe: Joshua a eu besoin de six rounds pour éteindre Paul à l'issue d'un piètre spectacle
-
Report de l'accord UE-Mercosur: le Paraguay s'impatiente
-
Trump annonce de "très lourdes représailles" contre l'EI en Syrie
-
Trump "n'exclut pas" une guerre avec le Venezuela
-
Coupe de France: sur sa lancée, Lens écarte Feignies-Aulnoye et file en 16e
-
Wall Street termine en hausse, la tech reprend des forces
-
Espagne: une association de défense des consommateurs attaque Google sur la protection des données
-
Le bras de fer judiciaire entre Shein et le gouvernement continue
-
Le FMI débloque 200 millions de dollars pour le Sri Lanka après le cyclone Ditwah
-
Fin du procès de Lafarge pour financement du terrorisme, jugement le 13 avril 2026
-
Taïwan : trois personnes tuées dans des attaques dans le métro de la capitale
-
Après moult atermoiements, l'administration Trump va publier une partie du dossier Epstein
-
Biathlon: au Grand-Bornand, Jacquelin 3e du sprint au milieu de l'armada norvégienne
-
Le Mercosur réuni au Brésil, l'UE vise le 12 janvier pour l'accord
-
Papillomavirus: couverture vaccinale des adolescents en hausse, mais toujours en deçà des objectifs
-
Un journaliste suédo-érythréen détenu en Erythrée depuis 24 ans est en vie, selon la Suède
-
Ukraine: menacé par les frappes russes, un haras contraint d'évacuer des chevaux
-
Les casinos frontaliers en première ligne du conflit Thaïlande-Cambodge
-
Dans un camp palestinien, un terrain de foot menacé par un avis de démolition israélien
-
Brésil: la Cour suprême invalide une loi qui restreint le droit à la terre des indigènes
-
Budget: députés et sénateurs échouent à se mettre d'accord, pas de budget avant la fin de l'année
-
Shein échappe à une suspension et rouvrira progressivement sa place de marché
-
Wall Street ouvre en hausse, évalue les options de la politique monétaire américaine
-
Dossier Epstein: "ça a pris trop longtemps", estiment des militants pro-Trump
-
Norvège: la princesse Mette-Marit va probablement subir une transplantation pulmonaire
-
Gaza: plus de 1.000 personnes décédées en attendant une évacuation médicale depuis juillet 2024, annonce l'OMS
-
Ski: Zabystran surprend Odermatt, Allègre abonné à la 4e place
-
Bangladesh: nouvelles manifestations après la mort d'un leader étudiant assassiné
-
L'AFP veut réformer son système d'expatriation pour faire des économies
-
"Nous sommes des fantômes": à la rencontre de travailleurs de nuit immigrés au Royaume-Uni
-
CAN-2025: décrocher le titre, la seule option pour le Maroc
-
Perrier peut continuer à vendre de "l'eau minérale naturelle"
-
TikTok signe un accord et échappe à l'interdiction aux Etats-Unis
-
Disparition d'uranium au Niger: enquête ouverte à Paris pour vol en bande organisée
La Meuse rurale empoisonnée par l'héroïne la plus accessible de France
Verdun, la Meuse et la Grande Guerre. Les fantômes du passé côtoient une bataille plus insidieuse: l'héroïne, ce "poison brun", se répand dans les villes et les villages de ce département d'à peine 185.000 habitants frappé par la désertification économique.
Dans les points de deal meusiens, le "marron" devance largement la cocaïne et le cannabis. Entre 2014 et 2018, il représentait 35,9% des saisies de stupéfiants dans le département, contre moins de 5% dans le reste du pays.
La vigueur du marché s'explique d'abord par la proximité géographique avec les Pays-Bas et la Belgique, pays de stockage et de redistribution de l'héroïne. Et par son prix: "à Verdun, vous avez l'héroïne la moins chère de France, 20 euros le gramme en moyenne", souffle la procureure de la ville Sophie Partouche.
Le trafic artisanal, où un usager-revendeur faisait la route jusqu'à Maastricht pour ramener aux copains et ainsi payer sa consommation, dominait encore jusqu'à récemment.
Les réseaux se professionnalisent depuis quelques années, avec des trafiquants venus de Metz ou Nancy pour ouvrir des succursales en Meuse.
"Il s'agit d'un trafiquant froid qui ne consomme pas. Il recrute un relai consommateur pour monter un +bendo+ (la personne met à disposition du gérant son appartement contre des doses, NDLR)", décrypte Sofian Saboulard, procureur de la République de Bar-le-Duc.
Les procédés de la criminalité organisée s'implantent donc désormais dans ces zones rurales: les réseaux travaillent à flux tendu pour minimiser les pertes, utilisent des moyens cryptés et n'hésitent pas à user de méthodes violentes.
- Armes, enlèvements -
"Il y a en permanence quatre ou cinq points de deal à Verdun. Les Messins s'arrangent pour éradiquer les concurrents avec des armes, des enlèvements avec séquestration", détaille Mme Partouche, procureure de Verdun.
Dans la sous-préfecture de la Meuse, le trafic se fait aux yeux de tous, en plein quartier touristique, où les consommateurs défilent, très maigres, rues Saint-Sauveur ou Saint-Victor.
Un point de deal est démantelé en moyenne chaque mois à Verdun, avec l'intervention du RAID régulièrement. Même constat dans la zone Bar-le-Duc/Commercy, où une opération d'envergure en enquête préliminaire est mise en place tous les mois.
Si la rentabilité attire, c'est que la demande ne décroît pas. Les consommateurs qui expérimentent l'héroïne tôt dans leur vie peinent à se défaire de leur addiction.
Difficile de dresser le portrait-robot d'un consommateur d'héroïne: "il y a autant de profils de que patients", tranche Dominique Guirlet, médecin en addictologie et fondatrice de Centraid', le centre de soins, d'accompagnement et de prévention en addictologie (Csapa) du centre hospitalier de Verdun.
Ses patients ont tous les âges, sont à 70% des hommes et 30% des femmes. L'addictologue identifie deux populations: des consommateurs marginaux, précaires, avec un niveau d'étude assez bas, généralement autour de Verdun, et des personnes plus insérées dans le sud du département, vers Bar-le-Duc.
- "Plus de bière, j'ai pris de l'héroïne" -
Les consommateurs sont souvent originaires du territoire, où plus des deux tiers (74%) vivent dans une commune rurale, selon les données de l'Observatoire régional de la santé de 2019.
Ils sont majoritairement en échec d'insertion scolaire et/ou professionnelle - 26% de la population de plus de 15 ans non scolarisée n'a aucun diplôme (21% au niveau national).
"Qu'est-ce que vous faites de vos journées ?", demande la Dr Guirlet à son patient. "A Commercy ? Je me fais chier", lui répond Jérôme (prénom modifié), 30 ans, cheveux longs en arrière, positif à l'héroïne et au cannabis.
Même son de cloche pour Bernard (prénom modifié), la quarantaine bien avancée, crâne rasé et bouc autour des lèvres. Il consomme tous les jours.
"Je suis trop fragile, dès qu'il y a quelque chose qui ne va pas je craque...
- Mais il y a bien autre chose à faire de vos journées ?
- Faut toujours que je compense avec quelque chose. J'ai rien bu depuis deux ans".
Les histoires sont compliquées: des cellules familiales déstructurées avec un taux élevé de placement d'enfants, une grande précarité, des familles très jeunes.
"Certains ont une histoire très lourde avec un viol, des maltraitances. D'autres n'ont plus rien si on leur retire le produit, ils risquent de se foutre en l'air...", se désespère la médecin derrière ses grandes lunettes rondes.
La Dr Guirlet regorge d'énergie. Mais cette ancienne urgentiste doit composer avec des patients parfois d'un âge avancé, au comportement d'adolescent.
"L'addict est très centré sur lui même. Il aime ses enfants mais c'est une sorte de jouet. Il ne se privera pas pour l'autre. L'autre n'existe pas", analyse-t-elle.
Cédric a 44 ans. Le visage blême, un peu de sueur le long des tempes. Il pèse à peine 55 kg.
"Ce week-end j'étais mal, je n'avais plus de bière chez moi alors j'ai pris de l'héroïne", reconnaît-il, enfoncé dans son fauteuil.
- "Arrêter les conneries" -
Le produit est ancré en lui et dans l'histoire de sa famille. Il en sniffe depuis des années. Un de ses frères est mort d'une overdose, un autre en consomme. Depuis 2017, il suit un traitement de substitution à la méthadone, un opiacé pur prescrit pour lutter contre les effets du manque.
Seuls les praticiens hospitaliers ou les médecins de Csapa peuvent prescrire de la méthadone, qui est un stupéfiant.
Et dans ce département aussi frappé par la désertification médicale, il manque de médecins non seulement pour prescrire mais pour assurer le suivi des patients.
"Cela fait des années qu'il n'y a pas de médecin qui puisse délivrer d'injonctions thérapeutiques. Le seul cadre qui nous reste c'est le sursis probatoire avec obligation de soins", souligne la procureure Sophie Partouche.
Parfois, le parcours de soins ne suffit pas et la tentation est trop forte.
"C'est pas évident d'arrêter les conneries... Quand je suis au boulot, je ne tape rien", assure Eric (prénom modifié), employé d'une fromagerie, la cinquantaine, quelques dents en moins.
Il est suivi depuis des années par la Dr Guirlet. "Dès que je rentre chez moi ça cogite, je sais pas quoi faire. Alors je tape (sniffe, NDLR), pour oublier ma vie. D'abord ça va mieux. Puis après je suis malade, pas loin du suicide", peste-t-il.
La médecin rencontre aussi les toxicomanes en prison. Elle propose aux patients un sevrage de quinze jours.
- Deuil du produit -
"La maison d'arrêt de Bar-le-Duc, c'est un centre de remise en forme", ironise-t-elle. "Dedans c'est facile, il y a moins de tentations, même si le produit circule".
Christophe a 44 ans. Il sort de sa cellule pour son rendez-vous avec la docteur, l'air ahuri, la peau sur les os. On lui a diagnostiqué une hépatite C.
"Je vais arrêter de m'injecter l'héroïne, je vais la sniffer je pense, promet-il.
- Arrêter la toxicomanie, ce n'est pas envisageable ? interroge la docteur.
- Non, c'est trop dur..."
Pour se débarrasser de leurs addictions, certains font le choix de filer loin d'ici. "Quitter la Meuse c'est fuir, pas guérir", oppose la Dr Guirlet. "J'ai un patient qui est parti pendant des années. Il est revenu à Verdun, en une heure il a replongé."
Il est quand même possible de sortir de l'engrenage: Ludovic (prénom modifié), la quarantaine, les yeux clairs comme son teint, en a fait l'expérience. C'est son avant-dernière consultation à l'hôpital de Bar-le-Duc.
"J'ai assez galéré comme ça pour tourner en rond", lance-t-il avec un accent meusien à couper au couteau. Il eu le déclic en 2017, quand la juge lui a dit qu'à 35 ans c'était sa dernière chance de se reprendre en main.
Il a fait le deuil du produit mais craint de voler de ses propres ailes. "J'ai peur de ne plus prendre de traitement", explique-t-il au médecin.
"C'est une béquille. Vous allez y arriver", sourit la Dr Guirlet.
W.Nelson--AT